Sans aucun doute le livre que j'aurais mis le plus de temps à finir... en
l'ayant pourtant dévoré !
Il se sera passé plusieurs années entre ma lecture de la première et de la
dernière page.
Avec une pause, en plein milieu.
Pour
expérimenter.
Mettre à profit ce que j'avais appris.
Puis retrouver
le bon moment pour continuer.
Si bien que je serais incapable de me souvenir comment j'en suis arrivée à
acheter cet ouvrage.
Écrit par un marquis, professeur, écrivain, et
publié pour la première fois en 1867.
Mais ce qui est certain, c'est que je l'ai toujours vu comme une façon de
travailler sur mes nuits agitées.
Cauchemars et somnambulisme ont toujours fait partie de moi, d'aussi loin que
je m'en souvienne. J'étais même sujette aux terreurs nocturnes lorsque j'étais
petite. Et les cauchemars ont toujours été la norme plutôt que les rêves
agréables.
Alors je me suis lancée dans cette lecture dont le titre me laissait entrevoir
la possibilité de (re)prendre le contrôle sur mes nuits. Et si ce n'est pas
une solution miracle, si je fais encore des cauchemars aujourd'hui - et que
j'en ferai sans doute toute ma vie -, cet ouvrage n'en est pas moins
une véritable pépite.
Un livre qui m'a appris à forcer mon réveil pour m'extirper d'un cauchemar.
D'en
changer le cours.
Et même d'expérimenter.
Si le sujet des rêves lucides nous est totalement étranger, diriger ses rêves
semble peut-être relever de la science-fiction. Ou d'un rêve éveillé. Mais
pour quiconque a pris le temps de se pencher sur la question, cela est en
revanche d'une parfaite évidence.
Avant-propos
C'est bien la première fois que je me sens obligée de faire un avant-propos à
un article mais avant de partager mon expérience de lecture, comme je l'ai
déjà fait pour certains
livres de développement personnel, je devais absolument parler du livre en lui-même.
Pour plusieurs raisons :
- parce que je ne parlerai que d'une toute petite partie de l'ouvrage, celle
qui permet de mettre en pratique l'observation et la direction des rêves,
- parce qu'il est riche de dizaines de pages faisant l'état de la
connaissance, ou du moins des théories, au sujet des rêves à l'époque où Léon
d'Hervey de Saint-Denys l'a écrit (et autant le dire tout de suite : il se
plaçait, sur bien des sujets, à contre-courants de nombreux médecins et
savants de son temps).
- et parce qu'il a été publié en 1867, que son langage peut paraître
particulièrement ampoulé, difficile à suivre, et qu'il peut être moins évident
d'entrer dedans du fait de la langue qui a vieilli et des nombreuses
références faites à divers essais et traités publiés du temps de son auteur.
Mais, si l'on s'installe confortablement dans son lit (on en reparlera, mais
cet ouvrage est absolument à lire avant de se coucher) avec une tisane ou une
bougie qui crépite sur la table de chevet, et que l'on prend le temps de se
plonger entièrement dans sa lecture, on y trouve non seulement un mode
d'emploi pour diriger ses rêves, mais aussi le plaisir des mots et la
(re)découverte d'un langage d'une autre époque.
1. Un journal des rêves
C'est la toute première étape.
Par laquelle l'auteur est lui-même passé
dès l'âge de quatorze ans !
Au début, on ne se souvient que de peu de choses.
Des détails, des
impressions. On a même parfois le sentiment que le réveil fait immédiatement
disparaitre son rêve.
Je l'ai expérimenté. Très souvent.
Mais je suis restée dans mon lit,
quelques minutes, essayant de me raccrocher à ne serait-ce qu'un infime détail
dont je pourrais ensuite dérouler le fil de mes rêves.
Et ce qui m'a le plus aidé, surtout au début, c'était de
prendre immédiatement de quoi noter.
Sans parler au chéri ou lire le contenu d'une notification sur mon
smartphone.
Rassembler mes souvenirs et les écrire tout de suite en me
levant pour rester concentrée dessus. Rien d'autre.
En relisant certaines de mes notes pour écrire cet article, je vois
régulièrement des remarques telles que "C'est très flou", "Mes souvenirs de ce
rêve sont très morcelés", "Je ne sais pas où j'étais". Mais ensuite, je me
rappelle un détail "quelque chose clochait avec mes lunettes", et petit à
petit, le brouillard s'estompe, morceau par morceau. Une image en rappelle une
autre, et le récit s'enchaîne avec plus de fluidité.
Parfois même, c'est au cours de la journée qu'une fulgurance arrive.
J'écris
un jour "Souvenir qui vient de m'arriver en voyant une goutte tomber..."
Les premières entrées du journal seront donc peut-être un peu vides.
Et
manqueront sûrement de lien.
Ce seront peut-être plus des images à la
façon d'une succession de tableaux.
Mais en prenant l'habitude d'observer
ses rêves, ils deviennent de plus en plus clairs. Tant et si bien que
certains de mes rêves s'étalent sur des dizaines et des dizaines de lignes à
présent.
Parce que je tape plus vite que je n'écris à la main, j'ai tenu mon journal
sur support numérique.
Et j'ai trouvé utile de légender chaque entrée à
l'aide d'émoji pour pouvoir rapidement les parcourir et voir l'incidence du
journal sur le contenu de mes rêves.
Au fil des mois, les petits drapeaux noirs indiquant les cauchemars sont
apparus moins souvent.
Et les émojis indiquant que je parvenais à diriger
mes rêves se sont multipliés...
2. Les rêves lucides
Je ne saurais pas expliquer par quel mécanisme cela fonctionne, et Léon
d'Hervey de Saint-Denys ne l'explique pas non plus, mais tenir le journal de
ses rêves mène naturellement aux rêves lucides.
Avec le temps.
Une pratique assidue.
Et la lecture de ce livre avant
de se coucher !
Les rêves lucides sont les rêves où l'on prend conscience que l'on est en train de rêver, et ce sont notamment ces rêves que l'on va pouvoir diriger.
Quand on fait beaucoup de mauvais rêves, c'est un peu le Graal.
Et
c'était d'ailleurs ma quête, y voyant une possibilité de mettre un terme à mes
cauchemars ou de les tourner à mon avantage.
Avant de lire ce livre, des amis avec qui j'avais parlé de mes cauchemars
(beaucoup de courses-poursuites) m'avaient conseillé d'apprendre à me
retourner pour voir qui me poursuivait. J'ai essayé pendant des années, et
cela explique peut-être pourquoi les rêves lucides ont commencé très
rapidement après avoir commencé ma lecture du livre.
Cela étant dit, j'ai aussi lu dans les critiques sur cet ouvrage "à lire avant
de se coucher".
J'en ai déduit que je n'étais pas la seule à avoir vu ma
lucidité être grandement influencée par une lecture précédent l'heure du
coucher !
Bref, vient un moment où l'on se rend compte que l'on rêve.
Souvent, dans
mon cas en tout cas, parce qu'un détail semble bizarre.
Cela a commencé par de simples intuitions.
Dans mon journal de rêve,
j'écris alors "À ce moment-là, j'ai comme l’intuition que je rêvais", "je me
rends plus ou moins compte que j'étais en train de rêver" avant d'arriver à
"Je ne sais pas ce qui a été le déclencheur mais j'ai compris que je rêvais,
me suis légèrement sentie soulagée et j'ai alors pu me réveiller."
3. L'expérience de la montre
Cette expérience part du constat suivant :
le temps ne s'écoule pas de la même façon dans un rêve que dans la vie.
C'est une opinion que l'auteur partage avec Moreau de la Sarthe, et dont
découle une expérience très simple qui donne une clef pour aller vers le rêve
lucide.
Si l'on regarde sa montre à quelques secondes d'intervalle dans la vie réelle,
l'heure n'aura changé que de quelques secondes. L'expérience est alors très
simple : prendre l'habitude de regarder sa montre par deux fois, plusieurs
fois dans la journée, dans le but de reproduire inconsciemment ce geste en
rêve pour observer que l'heure est différente malgré les quelques secondes
d'écart, et comprendre ainsi que l'on est endormi.
J'ai fait expérience pendant de nombreux mois, et mon journal de rêve s'est
rempli de mentions en rapport avec le temps : des horaires de train, de divers
rendez-vous, des horloges qui indiquaient l'heure...
Parfois, l'heure semblait passer à toute vitesse et me faisait comprendre que
j'étais en train de rêver.
Mais je me suis aussi rendu compte que ce
n'était pas une science exacte puisqu'un jour, j'écrivais en me
réveillant "Je regardais par deux fois ma montre dans un intervalle de ce qui
semblait être quelques minutes ; l'heure avait alors avancé de quelques
minutes, ce qui était tout à fait cohérent."
4. Diriger ses rêves
Léon d'Hervey de Saint-Denys part du principe que les rêves sont des
enchaînements de pensées.
Penser à un objet, c'est le matérialiser ; et
penser à une action, c'est se donner la possibilité de la faire.
Voilà la clef pour prendre les rênes de ses rêves.
Une fois que l'on
prend conscience de notre état de dormeur, on peut
influencer le cours de ses rêves par le simple fait de penser.
J'ai un jour rêvé d'une course-poursuite à laquelle je ne voyais pas de
sortie.
D'un côté, un grand mur.
De l'autre, des camions.
Je
songe alors, tout en commençant à avoir l'intuition d'un mauvais rêve, qu'une
échelle, le long du mur, serait la solution.
Je cours toujours, et
presque aussitôt, l'échelle est posée contre le mur. Je grimpe et je me
réveille.
Je pourrais aussi citer plusieurs mauvais rêves dont je me suis volontairement
sortie en me "secouant de l'intérieur" pour me réveiller.
Mais on peut vouloir diriger ses rêves pour rester dedans.
Prolonger un
bon moment, parcourir un endroit qui nous intrigue...
Ou faire des expériences.
Comme l'auteur m'a donné envie d'en faire.
Il a ainsi observé que l'esprit peut reproduire des sensations que l'on
connait, mais pas les inventer de toute pièce. Il prend l'exemple d'une chute
dans le vide : il n'a jamais expérimenté cela dans la vie réelle, l'a tenté en
rêve et s'est rapidement retrouvé spectateur de l'action, voyant une tierce
personne chuter à sa place.
Quand j'ai lu ça, j'ai eu très envie de le faire à mon tour.
J'ai alors
patienté jusqu'à faire un rêve lucide.
Une nuit, alors que j'étais endormie, je pense me trouver chez mes
grands-parents. Un détail cloche et je comprends que je rêve, alors j'agis
vite de peur de me réveiller. Je saute alors par la fenêtre.
En me réveillant, je n'ai aucun souvenir d'avoir percuté le sol, en revanche
je me rappelle une drôle de sensation qui fait écho à celle que l'on ressent
sur l'attraction du Totem à Walibi ; une semi chute libre en quelque sorte.
Mon cerveau a alors fait appel à ce souvenir pour simuler la sensation de
chute !
5. Retenir le sommeil
Je pourrais parler des heures (ou écrire des dizaines de pages) sur le sujet
tellement il me passionne.
Et tant l'ouvrage de Léon d'Hervey Saint-Denys
est riche.
Je n'ai réellement parlé ici que d'une petite partie de ses observations : il
aborde également les stimulations extérieures qui peuvent influencer les rêves
et les expériences qu'il a fait autour de cela pour provoquer des rêves précis
ou encore la conscience accrue de certaines sensations physiques durant le
sommeil et ses applications pour la médecine.
Bref, autant de choses à lire directement de la plume de l'auteur.
Mais
je voulais aborder un dernier point.
Dans la partie précédente, j'écris que j'agis rapidement pour ne pas me
réveiller.
C'est en effet le problème principal que j'ai rencontré lors
de mes rêves lucides.
En comprenant que l'on est endormi, les images se floutent, le sommeil semble
s'éloigner et le réveil n'est jamais très loin. Parvenir à
maintenir cet état de lucidité tout en restant parfaitement endormi s'acquiert au fil du temps et de la pratique. Mais il me faut aussi parler de
ces deux petites astuces qui fonctionnent plutôt bien :
- cesser immédiatement de bouger pour notamment éviter que cela se répercute
sur le corps et nous tire du sommeil pour de bon,
- fixer quelque chose, ses mains par exemple, jusqu'à ce que l'image
redevienne parfaitement nette.
Et ensuite ?
On continue de rêver !